Comment mesurer l’impact du télétravail sur le territoire français ? Commet même isoler ce qui relève du développement du télétravail ou/et d’autres paramètres ? Les pouvoirs publics s’adaptent-ils aux changements induits par la pratique du travail hybride ? C’est à toutes ces questions que tente de répondre la note de France Statégie et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), publiée jeudi 14 novembre 2024, alors que les données manquent par ailleurs pour procéder à une analyse exhaustive. « Quand ces données existent, il est difficile d’établir des liens de causalité entre le télétravail et les évolutions constatées (mobilité, changements résidentiels, nouvelles habitudes de consommation, etc.) dont les origines sont souvent multifactorielles. Cette lacune freine l’intégration du sujet dans les réflexions stratégiques et les politiques publiques locales », note ainsi la mission.
Premier constat : la pratique du télétravail est inégale qu’il s’agisse des salariés concernés ou bien des territoires. « En France, un peu moins de 40 % des emplois seraient télétravaillables selon l’Insee ». Un chiffre qui grimpe à 50 % chez les cadres, « alors qu’elle est quasiment nulle chez les ouvriers et se situe à respectivement 8 % et 18 % chez les employés et les professions intermédiaires ».
Mais les inégalités le sont également en localement « du fait de l’inégale répartition des types d’emplois dans les territoires, des tensions très diverses sur le logement, en lien avec l’inégale attractivité des territoires et des contraintes en termes de mobilité ». « L’Insee estime que la moitié des emplois franciliens sont télétravaillables, alors que cette part n’est que d’un tiers dans des régions plus rurales telles que la Normandie ou la Bourgogne Franche-Comté ».
En 2023, ce sont 43 % des salariés parmi ceux résidant dans Paris qui déclarent pratiquer le télétravail, mais seulement 22 % pour ceux des centres des unités urbaines de plus de 200 000 habitants, contre 11 % parmi ceux résidant hors des unités urbaines.
Si le télétravail permet de réduire la fréquence des navettes domicile-travail, il peut à l’inverse conduire à une multiplication de courts trajets autour du domicile. Comme le souligne Brigitte Baccaïni, coordinatrice de la mission au sein de l’IGEDD, « le télétravail a un effet mécanique sur les déplacements domicile-travail mais ne réduit pas forcément les distances globales parcourues au cours de la semaine ».
Plusieurs éléments ressortent de l’enquête qui peinent à former une analyse cohérente :
- les télétravailleurs résident sensiblement plus loin de leur lieu de travail (28 kilomètres en moyenne) que les autres actifs (14 kilomètres) ;
- les télétravailleurs sortent moins de chez eux le jour où ils télétravaillent ;
- ceux qui sortent de chez eux parcourent en moyenne 22 kilomètres par jour quel que soit le motif de déplacement, contre 66 kilomètres chez les télétravailleurs lorsqu’ils se rendent au bureau, et 48 kilomètres pour les actifs non télétravailleurs.
Autre débat : télétravaille-t-on davantage car l’on habote loin ou s’éloigne-t-on de son lieu de travail car l’on peut télétravailler ? Là encore, difficile de trancher.
« Des ménages d’actifs peuvent effectivement profiter de la possibilité de télétravailler pour s’éloigner des centres des grandes métropoles, mais il est également très probable que la propension à opter pour le télétravail soit plus forte de la part d’actifs qui résidaient déjà loin de leur lieu de travail. La volonté de limiter les contraintes liées à de longues navettes quotidiennes est en effet l’un des premiers facteurs du télétravail », constate la mission.
Enfin, « le développement du télétravail à domicile (ré)interroge les besoins en matière de logement tant sur le plan de leur conception que de leur localisation », souligne la note. « Si les caractéristiques de la production nouvelle de logements ne semblent pas prendre en compte les besoins spécifiques au télétravail, il est possible que, pour une taille de ménage donnée, la demande évolue vers des logements plus grands, ce qui pourrait se traduire par un renchérissement des grands logements et une éviction de familles qui en auraient besoin mais ne disposeraient pas des revenus suffisants ».