Comment définir l’obligation de loyauté qui pèse sur les salariés ?
Il existe une obligation générale de loyauté et de fidélité pendant toute l’exécution du contrat de travail, distincte de la clause de non-concurrence qui s’applique, elle, à l’issue du contrat de travail. Cette obligation existe indépendamment d’un contrat écrit ou d’une clause particulière dans le contrat.
Cette obligation, inhérente au contrat de travail, interdit au salarié de développer, directement ou par personne interposée, pour son compte ou celui d’un tiers, tout acte de concurrence à l’encontre de l’entreprise qui l’emploie. La jurisprudence est constante sur cette obligation.
Le salarié ne peut ainsi pas créer une entreprise concurrente « sans manquer à son obligation générale de fidélité et de loyauté ». Dans un arrêt du 8 février 1965, la Cour de cassation a décidé qu’un salarié ne peut, sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de son employeur pendant la durée de son contrat ».
Dans un autre arrêt du 5 mai 1971, la Cour de cassation a jugé que « le salarié, même en l’absence de clause expresse, est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu’à l’expiration de son contrat ».
Que devient cette obligation lorsque le contrat de travail est suspendu ?
Cette obligation perdure même lorsque le contrat de travail est suspendu et ce, pour quelle que cause que ce soit (maladie, congés payés, congé de formation,…). Le salarié reste tenu par cette obligation de non-concurrence. Dans un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a reproché aux juges du fond de n’avoir pas tenu compte du « recours par le salarié à des pratiques prohibées de démarchage, de détournement de clientèle et de concurrence déloyale, qui étaient de nature à constituer des manquements à l’obligation de loyauté » pendant une période de suspension de son contrat de travail.
Par ailleurs, cette obligation est maintenue également pendant toute la durée de préavis lorsque celui-ci est exécuté. Dans un arrêt du 16 octobre 1991, la Cour de cassation a condamné un salarié qui, après avoir démissionné « avait mis à profit la période de préavis pour entrer au service d’une société concurrente et diriger vers elle certains clients de son ancien employeur » s’était rendu coupable d’une violation de son obligation de fidélité.
En revanche, tel n’est pas le cas lorsque le salarié est dispensé d’exécuter son préavis. Par exemple, dans un arrêt du 27 novembre 1991, il a été jugé qu’un salarié dispensé d’exécution de son préavis avait la faculté d’entrer, pendant cette durée, au service d’une autre entreprise, même si le nouvel employeur était un concurrent.
Que risque le salarié en cas de manquements à cette obligation ?
Les manquements à cette obligation de loyauté et de fidélité sont, en principe, sanctionnés par un licenciement pour faute grave. Une réponse ministérielle publiée le 24 août 1998 rappelle que de tels manquements empêchent la poursuite de la relation contractuelle et rappelle que la jurisprudence est constante sur ce point. Par exemple, dans un arrêt du 27 février 1991, un salarié qui « avait, au cours de l’exécution de son contrat de travail, non seulement participé à la constitution de la société concurrente en qualité d’associé porteur de capitaux, mais encore accepté un poste d’administrateur au sein de cette société » avait commis une faute grave.
La sanction peut même aller jusqu’à la faute lourde (arrêt du 28 mai 1975).
Le salarié a-t-il tout de même la possibilité de « préparer » une activité concurrente pendant l’exécution de son contrat de travail ?
La chambre sociale et la chambre commerciale adoptent une position identique sur ce point : le salarié peut tout à fait procéder à la réalisation d’actes préparatoires à la création d’une nouvelle activité concurrente, par exemple, dès lors qu’il ne débute pas son activité ou n’exécute aucun acte avant le terme de son contrat de travail.
Dans un arrêt du 20 février 1975, la chambre sociale a ainsi jugé que le salarié « ne commet aucun acte de concurrence déloyale en créant pendant son préavis, pour se procurer des moyens d’existence après la rupture de son contrat, une entreprise dont l’exploitation n’a commencé qu’après son départ de l’entreprise dont il était salarié, à un moment où il n’était plus tenu d’aucune obligation envers celle-ci ».
De son côté, la chambre commerciale a estimé dans un arrêt du 11 mars 2014 que « la création, par un ancien salarié, d’une entreprise concurrente de celle dans laquelle il était auparavant employé n’est pas constitutive d’actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette création n’est pas interdite par une clause contractuelle et qu’elle n’est pas accompagnée de pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle. Le salarié peut préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu’après l’expiration du contrat de travail, et qu’aucun procédé déloyal de déplacement de clientèle vers une entreprise concurrente n’est utilisé ».
En revanche, la Cour de cassation a reconnu la faute lourde s’agissant d’un salarié dont la société qu’il avait créée devait fonctionner deux semaines avant la fin de son préavis (arrêt du 28 mai 1975).