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Pas de « Grand soir » mais des « mesures concrètes facilement applicables » : un rapport remis au gouvernement, lundi 18 novembre, formule 41 recommandations pour endiguer le « fléau des violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir ». Rédigé par six personnalités qualifiées (*), il vise à s’attaquer au « chiffre noir » des VSS « non encore signalées » à la fois dans l’entreprise mais aussi dans le sport, la santé, les institutions politiques, la fonction publique ou la culture, selon la lettre de mission signée par six ministres (travail, culture, justice, fonction publique, sports et égalité entre les femmes et les hommes.

70 auditions ont été menées auprès de 140 personnes relevant du gouvernement, de l’administration, d’associations, de la justice, des entreprises, de la société civile et des médias pour mener à bien ces travaux.

Un arsenal juridique pourtant important

Face à de telles situations, les DRH ne sont pas pour autant démunis. L’arsenal législatif existe. La loi du 3 août 2018, dite loi « Schiappa » instaure, outre une amende, l’obligation pour l’auteur d’un outrage de suivre, à ses frais, « un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ». La loi Avenir professionnel de 5 septembre 2018 a, elle, créé l’obligation pour les entreprises (d’au moins 250 salariés) et les représentants du personnel (pour les CSE des entreprises de 11 à 250 employés) de désigner des référents en matière de harcèlement sexuel et comportements sexistes. Plus récemment, la loi Santé au travail du 2 août 2021 complète la définition du harcèlement sexuel en précisant que les comportements à connotation sexiste, introduits par la loi Rebsamen du 17 août 2015, peuvent également caractériser une infraction de harcèlement sexuel.

Il n’empêche. « Sept ans après #MeToo, force est de constater la persistance des faits de violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir malgré les efforts déjà mis en œuvre pour les prévenir », alertent les auteures du rapport. Plus de 1,4 million de femmes a déclaré avoir subi des violences sexistes et sexuelles hors cadre familial en 2021. Parmi elles, seules 2 % des victimes ont porté plainte auprès des forces de l’ordre.

« Il faut désormais s’attaquer à toutes les VSS qui, facilitées par des rapports d’autorité ou de pouvoir encore trop déséquilibrés entre les femmes et les hommes, apparaissent dans tous les milieux (cinéma, hôpital, politique, sport, travail…) », conclut le rapport, indiquant que « le sexisme, l’emprise se nichent de façon insidieuse dans certaines relations de pouvoir ».

Faire de l’entreprise une « véritable safe place »

15 recommandations concernent plus particulièrement le monde du travail pour faire de l’entreprise une « véritable safe place », selon Christine Caldeira, la secrétaire générale de l’ANDRH. Parmi les préconisations, le rapport propose ainsi de faire de la prévention des violences sexistes et sexuelles un sujet obligatoire de négociation à tous les niveaux sous peine de sanction pour les employeurs. Les auteures avancent également la piste de la création d’un label « Agir contre les violences sexistes et sexuelles » au sein de toute organisation qui « met en œuvre des outils de formation et de prévention adaptés ».

Le rapport suggère aussi d’évaluer la loi Rixain du 24 décembre 2021 relative aux grandes entreprises pour atteindre l’objectif d’égalité fixé dans les instances dirigeantes et exécutives et dans les instances disciplinaires.

Pour mieux repérer ces violences, la mission veut « généraliser les structures d’écoute et de signalement« . Et pour sanctionner les entreprises, elle propose d’ »inciter et mieux accompagner les organisations dans la réalisation d’enquêtes internes » et permettre aux victimes de violences sexistes et sexuelles hors cadre conjugal de solliciter une ordonnance de protection.

Enfin, les auteurs souhaitent lancer un Grenelle des violences sexistes et sexuelles pour prendre le relais du Grenelle des violences conjugales, de « sensibiliser le plus grand nombre et déployer les mesures recommandées, appuyées par une commission de suivi des recommandations ». Une démarche qui pourrait être menée par le gouvernement.

(*) Christine Abrossimov, administratrice de l’Etat, Christine Caldeira, secrétaire générale de l’ANDRH, Angélique Cauchy, ex-joueuse de tennis, présidente de l’association « Rebond », Bariza Khiari, ancienne sénatrice de Paris et vice-présidente du Sénat; Marie-France Olieric, chef de pôle des maternités du CHR de Metz-Thionville et présidente de l’association « Donner des ELLES à la santé », Rachel-Flore Pardo, avocate au Barreau de Paris, activiste féministe.

 

Les organisations syndicales réclament des « actes concrets »

Les organisations syndicales se sont, elles aussi, emparées du sujet. « De trop nombreux employeurs, qu’ils soient publics ou privés ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention, de protection des victimes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail alors même que la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses est une obligation de l’employeur », insistent les cinq centrales, CFDT, CFTC, FO, CGT et CFE-CGC, dans un communiqué commun publié le 18 novembre.  Elles demandent des « actes concrets » pour inverser la tendance. Parmi leurs revendications, la réalisation d’un bilan des mesures de 2018, la construction d‘un baromètre annuel pour évaluer le ressenti des salariés sur les violences sexistes et sexuelles au travail, la mise en place de sanctions pour toutes les entreprises qui n’ont pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles et de dispositif de signalement négocié ou encore des moyens supplémentaires « pour que les référents harcèlement/violence puissent jouer leur rôle syndical : prérogatives clairement définies, temps de délégation, formations ».

Selon le communiqué, « 9 % des viols ou tentatives de viols ont lieu au travail, 30 % des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail et 70 % de ces victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur ».

 

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Anne Bariet
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Un rapport remis au gouvernement, lundi 18 novembre, préconise des mesures face au « fléau » des violences sexistes et sexuelles « sous relation d’autorité ou de pouvoir ». 15 d’entre elles concernent plus particulièrement le monde du travail. Parmi les pistes, faire de ce sujet un thème de négociation obligatoire à tous les niveaux sous peine de sanction pour les employeurs.
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Comment mesurer l’impact du télétravail sur le territoire français ? Commet même isoler ce qui relève du développement du télétravail ou/et d’autres paramètres ? Les pouvoirs publics s’adaptent-ils aux changements induits par la pratique du travail hybride ? C’est à toutes ces questions que tente de répondre la note de France Statégie et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), publiée jeudi 14 novembre 2024, alors que les données manquent par ailleurs pour procéder à une analyse exhaustive. « Quand ces données existent, il est difficile d’établir des liens de causalité entre le télétravail et les évolutions constatées (mobilité, changements résidentiels, nouvelles habitudes de consommation, etc.) dont les origines sont souvent multifactorielles. Cette lacune freine l’intégration du sujet dans les réflexions stratégiques et les politiques publiques locales », note ainsi la mission.

Un accès inégal au télétravail

Premier constat : la pratique du télétravail est inégale qu’il s’agisse des salariés concernés ou bien des territoires. « En France, un peu moins de 40 % des emplois seraient télétravaillables selon l’Insee ». Un chiffre qui grimpe à 50 % chez les cadres, « alors qu’elle est quasiment nulle chez les ouvriers et se situe à respectivement 8 % et 18 % chez les employés et les professions intermédiaires ».

Mais les inégalités le sont également en localement « du fait de l’inégale répartition des types d’emplois dans les territoires, des tensions très diverses sur le logement, en lien avec l’inégale attractivité des territoires et des contraintes en termes de mobilité ». « L’Insee estime que la moitié des emplois franciliens sont télétravaillables, alors que cette part n’est que d’un tiers dans des régions plus rurales telles que la Normandie ou la Bourgogne Franche-Comté ».

En 2023, ce sont 43 % des salariés parmi ceux résidant dans Paris qui déclarent pratiquer le télétravail, mais seulement 22 % pour ceux des centres des unités urbaines de plus de 200 000 habitants, contre 11 % parmi ceux résidant hors des unités urbaines.

Des effets mi-figue mi-raisin sur la réduction des déplacements

Si le télétravail permet de réduire la fréquence des navettes domicile-travail, il peut à l’inverse conduire à une multiplication de courts trajets autour du domicile. Comme le souligne Brigitte Baccaïni, coordinatrice de la mission au sein de l’IGEDD, « le télétravail a un effet mécanique sur les déplacements domicile-travail mais ne réduit pas forcément les distances globales parcourues au cours de la semaine ».

Plusieurs éléments ressortent de l’enquête qui peinent à former une analyse cohérente :

  • les télétravailleurs résident sensiblement plus loin de leur lieu de travail (28 kilomètres en moyenne) que les autres actifs (14 kilomètres) ; 
  • les télétravailleurs sortent moins de chez eux le jour où ils télétravaillent ;
  • ceux qui sortent de chez eux parcourent en moyenne 22 kilomètres par jour quel que soit le motif de déplacement, contre 66 kilomètres chez les télétravailleurs lorsqu’ils se rendent au bureau, et 48 kilomètres pour les actifs non télétravailleurs. 
Télétravail et éloignement du domicile : qui influence l’autre ?

Autre débat : télétravaille-t-on davantage car l’on habote loin ou s’éloigne-t-on de son lieu de travail car l’on peut télétravailler ? Là encore, difficile de trancher.

« Des ménages d’actifs peuvent effectivement profiter de la possibilité de télétravailler pour s’éloigner des centres des grandes métropoles, mais il est également très probable que la propension à opter pour le télétravail soit plus forte de la part d’actifs qui résidaient déjà loin de leur lieu de travail. La volonté de limiter les contraintes liées à de longues navettes quotidiennes est en effet l’un des premiers facteurs du télétravail », constate la mission.

Quel impact sur la configuration des logements ?

Enfin, « le développement du télétravail à domicile (ré)interroge les besoins en matière de logement tant sur le plan de leur conception que de leur localisation », souligne la note. « Si les caractéristiques de la production nouvelle de logements ne semblent pas prendre en compte les besoins spécifiques au télétravail, il est possible que, pour une taille de ménage donnée, la demande évolue vers des logements plus grands, ce qui pourrait se traduire par un renchérissement des grands logements et une éviction de familles qui en auraient besoin mais ne disposeraient pas des revenus suffisants ». 

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Florence Mehrez
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France Stratégie et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable viennent de publier un rapport sur les impacts territoriaux du télétravail. Pour l’heure, seules des hypothèses peuvent être avancées ce qui peut expliquer que les pouvoirs publics peinent à intégrer le développement de cette pratique dans leurs politiques.
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Adoptée le 6 novembre au Sénat dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale, la loi du 15 novembre 2024 visant à poursuivre l’expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE) a été publiée au Journal officiel du 16 novembre 2024.

Cette expérimentation prévue à l’article 115 de la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 avait pris fin le 31 décembre 2023. L’expérimentation est relancée pour une durée de quatre ans à compter du 15 novembre 2024 (date de la promulgation de la loi comme indiqué à l’article 1 de la loi).

Un public resserré

Ce CDI particulier dénommé CDIE peut être conclu par toute entreprise de travail à temps partagé (ETTP), à savoir « toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L.8241-1 [prêt de main d’oeuvre à but lucratif comme l’intérim par exemple] est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens » (article L.1252-2 du code du travail).

La loi du 15 novembre 2024 permet de déroger à la condition de mettre à disposition « du personnel qualifié » puisque les ETTP peuvent conclure un CDIE avec un public qui rencontre des difficultés particulières d’insertion professionnelle, public par ailleurs resserré par la loi du 15 novembre 2024. Un entrepreneur de travail à temps partagé peut ainsi proposer un contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité :

  1. aux personnes qui sont âgées d’au moins 55 ans et qui sont inscrites sur la même liste depuis au moins six mois ;
  2. aux personnes qui sont âgées de moins de 26 ans, qui ont une formation de niveau inférieur ou égal à 3 et qui sont inscrites sur ladite liste depuis au moins six mois ;
  3. aux bénéficiaires de minima sociaux ;
  4. aux personnes handicapées.

► Auparavant, le CDIE pouvait être proposé  aux personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi depuis au moins six mois, celles âgées de plus de 50 ans (sans condition de durée d’inscription), les bénéficiaires de minima sociaux, les personnes handicapées et les titulaires d’un diplôme de niveau inférieur au bac. 

Des garanties de rémunération et de formation

Le salarié qui conclut un CDIE bénéficie de garanties.

D’une part, son dernier salaire horaire de base lui est garanti pendant les périodes dites d’intermissions.

D’autre part, le salarié bénéficie durant son temps de travail d’actions de formation prises en charge par l’entrepreneur de travail à temps partagé et sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l’article L.6113-1 du code du travail ou par l’acquisition d’un bloc de compétences au sens du même article L.6113-1. L’employeur est tenu de s’assurer de l’effectivité de la formation.

Par ailleurs, son employeur doit abonder son compte personnel de formation (CPF) à hauteur de 500 euros supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence. L’abondement est calculé, lorsque le salarié n’a pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, à due proportion du temps de travail effectué. 

De nouvelles dispositions relatives à l’embauche par l’entreprise utilisatrice

La loi du 15 novembre 2024 ajoute une nouvelle section au code du travail dans la partie relative aux ETTP s’agissant de l’embauche par l’entreprise utilisatrice à l’issue d’une mission. Ces dispositions concernent l’ensemble des contrats conclus par les entreprises de travail à temps partagé – CDIE ou non.

D’une part, lorsque l’entreprise utilisatrice embauche, à l’issue d’une mission, un salarié mis à sa disposition par un entrepreneur de travail à temps partagé, la durée des missions accomplies au sein de ladite entreprise au cours des trois mois précédant le recrutement est prise en compte pour le calcul de l’ancienneté du salarié. Cette durée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail (nouvel article L. 1252-14).

D’autre part, par dérogation à l’article L.1237-1 du code du travail, lorsque la rupture du contrat de travail à temps partagé intervient à l’initiative du salarié en raison de son embauche par l’entreprise utilisatrice à l’issue d’une mission, le salarié est dispensé de l’exécution du préavis. Cette dispense n’ouvre pas droit au versement d’une indemnité compensatrice (nouvel article L.1252-15). 

Entrée en vigueur de ces dispositions et droit transitoire 

Ces règles sont applicables aux contrats conclus au cours des quatre années à compter du 15 novembre 2024. 

En revanche, les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2024, et qui seraient encore en cours, restent régis par les dispositions antérieures à la loi du 15 novembre 2024.

Obligation d’information 

D’une part, l’entrepreneur de travail à temps partagé aux fins d’employabilité doit communiquer à l’autorité administrative, tous les six mois, les contrats signés, les caractéristiques des personnes recrutées, les missions effectuées et les formations suivies ainsi que leur durée, le taux de sortie dans l’emploi et tout document permettant d’évaluer l’impact du dispositif en matière d’insertion professionnelle des bénéficiaires.

D’autre part, au plus tard, six mois avant le terme de l’expérimentation, soit avant le 15 mai 2028, le gouvernement remet au Parlement un rapport final sur les conditions d’application de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation.

Le rapport devra être établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle.

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Florence Mehrez
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La loi du 15 novembre 2024 qui reprend l’expérimentation du CDI aux fins d’employabilité a été publiée ce week-end au Journal officiel. Les entreprises de travail à temps partagé peuvent de nouveau – et ce pour une durée de quatre ans – conclure un tel contrat si elles en remplissent les conditions. Nous récapitulons son régime juridique et les modifications apportées par la nouvelle loi.
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Comment définir l’obligation de loyauté qui pèse sur les salariés ? 

Il existe une obligation générale de loyauté et de fidélité pendant toute l’exécution du contrat de travail, distincte de la clause de non-concurrence qui s’applique, elle, à l’issue du contrat de travail. Cette obligation existe indépendamment d’un contrat écrit ou d’une clause particulière dans le contrat.

Cette obligation, inhérente au contrat de travail, interdit au salarié de développer, directement ou par personne interposée, pour son compte ou celui d’un tiers, tout acte de concurrence à l’encontre de l’entreprise qui l’emploie. La jurisprudence est constante sur cette obligation. 

Le salarié ne peut ainsi pas créer une entreprise concurrente « sans manquer à son obligation générale de fidélité et de loyauté ». Dans un arrêt du 8 février 1965, la Cour de cassation a décidé qu’un salarié ne peut, sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de son employeur pendant la durée de son contrat ».

Dans un autre arrêt du 5 mai 1971, la Cour de cassation a jugé que « le salarié, même en l’absence de clause expresse, est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu’à l’expiration de son contrat ». 

Que devient cette obligation lorsque le contrat de travail est suspendu ? 

Cette obligation perdure même lorsque le contrat de travail est suspendu et ce, pour quelle que cause que ce soit (maladie, congés payés, congé de formation,…). Le salarié reste tenu par cette obligation de non-concurrence. Dans un  arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a reproché aux juges du fond de n’avoir pas tenu compte du « recours par le salarié à des pratiques prohibées de démarchage, de détournement de clientèle et de concurrence déloyale, qui étaient de nature à constituer des manquements à l’obligation de loyauté » pendant une période de suspension de son contrat de travail.

Par ailleurs, cette obligation est maintenue également pendant toute la durée de préavis lorsque celui-ci est exécuté. Dans un arrêt du 16 octobre 1991, la Cour de cassation a condamné un salarié qui, après avoir démissionné « avait mis à profit la période de préavis pour entrer au service d’une société concurrente et diriger vers elle certains clients de son ancien employeur » s’était rendu coupable d’une violation de son obligation de fidélité. 

En revanche, tel n’est pas le cas lorsque le salarié est dispensé d’exécuter son préavis. Par exemple, dans un arrêt du 27 novembre 1991, il a été jugé qu’un salarié dispensé d’exécution de son préavis avait la faculté d’entrer, pendant cette durée, au service d’une autre entreprise, même si le nouvel employeur était un concurrent.

Que risque le salarié en cas de manquements à cette obligation ? 

Les manquements à cette obligation de loyauté et de fidélité sont, en principe, sanctionnés par un licenciement pour faute grave. Une réponse ministérielle publiée le 24 août 1998 rappelle que de tels manquements empêchent la poursuite de la relation contractuelle et rappelle que la jurisprudence est constante sur ce point. Par exemple, dans un arrêt du 27 février 1991, un salarié qui « avait, au cours de l’exécution de son contrat de travail, non seulement participé à la constitution de la société concurrente en qualité d’associé porteur de capitaux, mais encore accepté un poste d’administrateur au sein de cette société » avait commis une faute grave.

La sanction peut même aller jusqu’à la faute lourde (arrêt du 28 mai 1975).

Le salarié a-t-il tout de même la possibilité de « préparer » une activité concurrente pendant l’exécution de son contrat de travail ? 

La chambre sociale et la chambre commerciale adoptent une position identique sur ce point : le salarié peut tout à fait procéder à la réalisation d’actes préparatoires à la création d’une nouvelle activité concurrente, par exemple, dès lors qu’il ne débute pas son activité ou n’exécute aucun acte avant le terme de son contrat de travail. 

Dans un arrêt du 20 février 1975, la chambre sociale a ainsi jugé que le salarié « ne commet aucun acte de concurrence déloyale en créant pendant son préavis, pour se procurer des moyens d’existence après la rupture de son contrat, une entreprise dont l’exploitation n’a commencé qu’après son départ de l’entreprise dont il était salarié, à un moment où il n’était plus tenu d’aucune obligation envers celle-ci ». 

De son côté, la chambre commerciale a estimé dans un arrêt du 11 mars 2014 que « la création, par un ancien salarié, d’une entreprise concurrente de celle dans laquelle il était auparavant employé n’est pas constitutive d’actes de concurrence illicite ou déloyale, dès lors que cette création n’est pas interdite par une clause contractuelle et qu’elle n’est pas accompagnée de pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle. Le salarié peut préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu’après l’expiration du contrat de travail, et qu’aucun procédé déloyal de déplacement de clientèle vers une entreprise concurrente n’est utilisé ».

En revanche, la Cour de cassation a reconnu la faute lourde s’agissant d’un salarié dont la société qu’il avait créée devait fonctionner deux semaines avant la fin de son préavis (arrêt du 28 mai 1975).

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Florence Mehrez et Sandra Dos Santos-Balez (Appel expert)
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Chaque semaine, L’appel expert, service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre Sarrut, répond à une question pratique que se posent les services RH.
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Chronique

Il est des arrêts qui, au-delà de leur solution, se distinguent surtout par leur motivation. L’arrêt rendu le 6 novembre 2024 par la chambre sociale de la Cour de cassation en fait incontestablement partie, lui qui, rendu en formation de section, prend le soin, pour interpréter un texte de droit interne – ici l’article L. 1235-3-1 du code du travail – qui n’en avait aucun besoin, de se livrer à une parfaite exégèse du droit de l’Union européenne. Répondant ainsi au faux débat qui lui était soumis, la Cour de cassation a entendu signaler un vrai changement de doctrine sur l’indemnisation des licenciements discriminatoires – en tout cas, pour l’instant, de ceux fondés sur une discrimination de genre.

Un faux débat

Précisons : le litige était relatif à l’indemnisation d’une femme enceinte, dont le licenciement, prononcé pendant la période de protection, était nul pour ne pas être fondé sur une faute grave ou l’impossibilité de maintenir le contrat de travail. On sait que depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, la nullité d’un licenciement emporte en principe deux conséquences possibles : soit le salarié demande sa réintégration et dans ce cas, si elle est ordonnée, il peut prétendre à une indemnité couvrant les salaires dus entre la date du licenciement et celle de sa réintégration, avec ou sans déduction des revenus de remplacement selon que la cause de la nullité est ou non la violation d’une liberté fondamentale ; soit il ne la demande pas et dans ce cas, il a alors le droit, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, et en plus des indemnités de rupture, à une indemnité d’un minimum de six mois de salaire, non plafonnée, censée compenser l’intégralité du préjudice subi du fait de l’illicéité du licenciement. Pour certains salariés, cette indemnité est cependant due, précise le même texte, « sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ».

Deux catégories de salariés sont ainsi visées par l’article L. 1235-3-1 : les salariés protégés, d’une part, et les salariés bénéficiant d’une protection au titre de la parentalité, d’autre part – ces derniers étant ceux visés par l’article L. 1225-71 du code du travail dont fait mention le texte. Très sincèrement, il ne faisait guère de doute, avant l’arrêt du 6 novembre 2024, que la femme enceinte qui ne demande pas sa réintégration bénéficie non seulement d’une indemnité minimum de six mois de salaire, mais également du droit de percevoir les salaires qui auraient été les siens jusqu’à la fin de la période de protection – soit dix semaines après la naissance. C’est en tout cas ainsi que le texte a été globalement et logiquement interprété depuis son adoption (1). Certes, quelques esprits byzantins ont pu parfois ergoter que dès lors que, de son côté, l’article L. 1225-71 du code du travail ne prévoyait pas expressément le versement des salaires, comme sanction à l’inobservation de la protection contre le licenciement de la femme enceinte, ce versement ne devait pas avoir lieu. Mais cette interprétation, qui nourrissait le moyen de cassation, était incompatible avec la lettre même de l’article L. 1235-3-1 du code du travail. Elle n’était donc guère convaincante et pouvait donc être rejetée sans référence au droit de l’Union européenne, l’article L. 1235-3-1 du code du travail se suffisant à lui-même.

Quel besoin avait donc la Cour de cassation d’interpréter le texte « à la lumière  » du droit de l’Union européenne, comme s’il portait l’éventualité d’une contrariété à celui-ci nécessitant de se livrer à une interprétation conforme ? C’est qu’en réalité, l’essentiel n’était pas la solution mais le message à faire passer.

Une référence (un peu trop) appuyée au droit de l’Union européenne

La Cour de cassation commence en effet par se référer à l’article 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, lequel impose aux Etats de prévoir l’interdiction des licenciements du début de la grossesse à la fin du congé maternité. Cela tombe assez bien : le droit français est conforme et depuis bien longtemps, cette protection étant prévue aux articles L. 1225-4 à L. 1225-5 du code du travail.

Puis, la Cour enchaîne avec l’article 18 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, aux termes duquel « les Etats membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour veiller à ce que le préjudice subi par une personne lésée du fait d’une discrimination fondée sur le sexe soit effectivement réparé ou indemnisé selon des modalités qu’ils fixent, de manière dissuasive et proportionnée par rapport au dommage subi ». Elle rappelle alors que selon une jurisprudence constante de la CJUE, le licenciement d’une femme enceinte est une discrimination fondée sur le sexe. Voilà qui, subitement, est beaucoup plus intéressant : la Cour de cassation déplace le curseur en le faisant passer de la protection spécifique des femmes enceintes à celle, plus générale, des discriminations fondées sur le sexe.

Ce n’est pas cependant complétement nouveau dans sa jurisprudence : elle l’avait déjà dit – mais il est vrai qu’elle l’avait a fait sur le fondement de l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (2) alors qu’ici, elle ne se réfère plus qu’au droit européen, décidemment très mobilisé dans ce dossier. Elle poursuit d’ailleurs dans la même direction, en se référant ensuite à la jurisprudence bien connue de la CJUE issue des arrêts Marshall (3) et Arjona Camacho (4), selon laquelle la réparation du licenciement discriminatoire doit passer soit par la réintégration de la personne discriminée, soit par la réparation du préjudice, laquelle se doit alors d’être « adéquate en ce sens qu’elle doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait du licenciement discriminatoire, selon les règles nationales applicables » – la formule, évidemment, n’est pas sans rappeler certaines discussions animées autour de la notion de « réparation adéquate » lorsque s’était posée la question de la conformité du barème à l’article 21 de la Charte sociale européenne (5).

De là, alors que rien dans tout cela n’est contraire au droit français qui au contraire applique scrupuleusement ces principes depuis longtemps, la Cour de cassation va déduire dans une formule de principe qui prête à sourire tant elle prend de circonvolutions pour nous dire ce que l’on savait déjà, qu’ »il résulte de la combinaison [des articles L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail] interprétée à la lumière des articles 10 de la directive 92/85/CEE et 18 de la directive 2006/54/CE que la salariée, qui n’est pas tenue de demander sa réintégration, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité » Tout devient clair alors : comme on le pressentait, l’important n’est pas la solution ; c’est le fondement !

Pour la chambre sociale, en effet, celui-ci ne réside pas – ou plus, selon l’interprétation que l’on avait du texte – dans l’article L. 1235-3-1 du code du travail, mais bien dans le principe de non-discrimination, tel que garanti par le droit de l’Union européenne et tel qu’interprété par la CJUE. C’est évidemment cela le message. Or, sauf à considérer que la Cour de cassation serait atteinte d’une forme de syndrome atypique lui faisant tout regarder au prisme du droit européen – ce qui semble, hélas, être parfois le cas tant elle en fait beaucoup sur le sujet – il y a bien entendu dans ce changement de pied la possibilité d’une solution qui ne serait pas cantonnée à la seule nullité du licenciement de la femme enceinte, mais pourrait s’étendre à toutes les formes de discrimination fondées sur le sexe.

Un pari : une possible extension à toutes les discriminations fondées sur le sexe

De fait, les principes qui viennent d’être énoncés plus haut, tirés du droit de l’Union européenne, ne s’appliquent pas exclusivement à la grossesse. L’arrêt Marshall, rappelons-le, était relatif à une discrimination entre hommes et femmes quant à l’âge de la retraite, le Royaume-Uni, alors encore membre de l’Union européenne, disposant d’une législation aux termes de laquelle l’âge de départ à la retraite, pour les travailleurs du National Health Service, était de 62 ans pour les femmes quand il était de 65 ans pour les hommes ; la Cour y avait vu, dans un premier arrêt, rendu le 26 février 1986 (6), une discrimination directe fondée sur le sexe, ce qui avait conduit les juridictions britanniques à dire la rupture du contrat illicite et à s’interroger ensuite sur les modalités de la réparation.

C’est à cette occasion que, dans un second arrêt, en date du 2 août 1993, auquel la Cour de cassation fait directement référence dans la décision commentée, la CJUE a été conduite à définir les modalités de réparation des licenciements discriminatoires. Après avoir rappelé que si, comme elle l’avait jugé dans son arrêt Colson et Kamann (7), les Etats membres sont en principe libres des modalités de la réparation, laquelle dépend de la nature de la discrimination, elle précise qu’ils leur appartiennent néanmoins de mettre en œuvre l’objectif de la directive, lequel est « de parvenir à une égalité des chances effective » (8). Or, selon la Cour, cela ne serait possible que par « des mesures propres à rétablir cette égalité quand elle n’est pas respectée (9). C’est ainsi qu’elle en est venue, comme on l’a dit, à faire de la réintégration le principe de la réparation, tout n’en excluant pas une réparation pécuniaire pourvu que, comme on l’a déjà dit aussi, celle-ci soit « adéquate en ce sens qu’elle doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait du licenciement discriminatoire, selon les règles nationales applicables ». Le principe est donc un principe général, applicable à tous les licenciements fondés sur une discrimination sexuelle.

L’arrêt Arjona Camacho le confirme, lui qui est pour ainsi encore plus éloquent à cet égard dès lors que l’arrêt ne prend pas même le soin de préciser la nature de la discrimination dont la requérante a fait l’objet : on sait seulement, le point étant acquis aux débats, qu’elle a été licenciée et que ce licenciement était discriminatoire en ce qu’il était fondé sur son sexe. Ce postulat acquis, la question posée à la CJUE dans cette affaire était seulement de savoir si la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 – aujourd’hui devenue la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 – imposait au juge de prononcer des « dommages-intérêts punitifs » y compris lorsqu’une telle sanction n’est pas prévue par le droit national – c’était le cas en l’occurrence, de l’Espagne qui ne connaissait pas ce type de réparation. La réponse de la CJUE a été la suivante : rien n’impose aux Etats de prévoir des dommages-intérêts punitifs, qui ne sont cependant pas interdits non plus, le tout étant que « le préjudice subi du fait d’une discrimination fondée sur le sexe soit effectivement réparé ou indemnisé de manière dissuasive et proportionnée », ce qui, quand il s’agit d’une réparation en équivalent impose « le versement à la personne lésée de dommages et intérêts couvrant intégralement le préjudice subi » (10). Et cela vaut, évidemment, pour tous les licenciements fondés sur une discrimination sexuelle.

On prend dès lors ici les paris – mais on les prend vraiment : parce que le principe a une portée générale, que selon la CJUE, il s’applique à tous les licenciements fondés sur une discrimination sexuelle, comment pourrait-on, en droit français, cantonner le principe suivant lequel la femme a droit, en plus de l’indemnité pour licenciement nul, au paiement de ses salaires, à la seule hypothèse, au demeurant déjà prévue par l’article L. 1235-3-1 du code du travail, d’un licenciement prononcé en méconnaissance de l’interdiction de licencier les femmes enceintes ? Dès lors que pour fonder ce versement, la Cour de cassation se réfère non plus au code du travail, mais au droit de l’Union européenne, on ne le pourra plus et cela d’autant moins que, rappelons-le, la Cour de cassation juge déjà par ailleurs que le licenciement d’une femme enceinte, pendant la période de protection, est une discrimination fondée sur le sexe (11).

Viendra donc très bientôt l’arrêt qui, pour un licenciement fondé sur une toute autre discrimination sexuelle, se référera aux mêmes arrêts de la CJUE pour interpréter de nouveau l’article L. 1235-3-1 du code du travail « à la lumière » du droit de l’Union européenne et dire qu’en matière de discrimination fondée sur le sexe, il ne peut pas y avoir de « réparation adéquate » sans versement, en plus de l’indemnité pour licenciement nul, des salaires perdus et, ce probablement sans déduction des revenus de remplacement. Pour le coup, le texte ne le prévoit pas en dehors de la protection due à la parentalité, ce qui constituera donc une extension de la réparation dans tous les cas où un(e) salarié(e) licencié(e) en raison de son sexe, sollicitera sur ce fondement la nullité de la rupture, sans demander pour autant sa réintégration. Voilà une perspective indemnitaire toute nouvelle qui viendra sans doute encourager des stratégies de contournement du barème – mais n’est-ce pas, au fond, depuis son adoption, une tendance lourde en jurisprudence que les encourager ?

Il restera toutefois alors à déterminer – c’est le point le plus délicat celui qui, peut-être, rendra difficile l’extension de la règle à toutes les discriminations fondées sur le sexe – la période d’indemnisation, c’est-à-dire celle durant laquelle on peut considérer que les salaires ont été perdus. Quand le ou la salarié(e) demande sa réintégration, c’est facile : cette période s’arrête avec la réintégration. En ce qui concerne la femme enceinte, c’est facile aussi : cette période s’arrête avec la protection dont elle jouit – comme, en pratique, c’est le cas, à quelques variantes près, pour les salariés protégés. Quand cependant, il n’y a pas de réintégration et pas de période de protection, c’est évidemment beaucoup plus difficile d’en déterminer le terme, sauf, éventuellement, à appliquer strictement le principe de la réparation intégrale en faisant alors courir cette période du licenciement jusqu’à la date à laquelle les salariés ont retrouvé un emploi. Restera bien sûr l’épineuse question de la déduction des revenus de remplacement, véritable serpent de mer dont on peine encore à comprendre les fondements. Il est en tout cas peu probable que toutes ces questions-là ne se posent pas – les juristes de droit social vont pouvoir s’amuser…

Et si l’extension allait au-delà ?

Une dernière question se pose enfin – qui dépasse le strict cadre de ce commentaire mais dont on peut s’empêcher de glisser : le principe va-t-il se limiter aux seules discriminations sexuelles ? L’égalité des sexes, il est vrai, a toujours occupé une place particulière dans l’ordre juridique de l’Union européenne – l’article 119 du Traité de Rome garantissait déjà l’égalité de rémunération entre femmes et hommes (12). Mais on sait aussi combien celui-ci a servi de modèle à la consécration d’un principe général de non-discrimination en matière de travail et d’emploi, lequel se reflète dans l’existence de deux directives, l’une, la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et l’autre, la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, plus spécifiquement relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. Toutes les deux prévoient, en ce qui concerne les sanctions des mesures discriminatoires prises par l’employeur, que « les Etats membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l’application de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d’indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives » (13). On reconnait là à quelques mots près, la formule de l’article 18 de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne saurait exclure que « l’indemnisation adéquate » telle que définie par la CJUE en cas d’atteinte au principe d’égalité des sexes, ne finissent par s’étendre à tous les licenciements discriminatoires, quelle qu’en soit la cause. C’est le second pari – à long terme – que l’on propose en guise de conclusion.

 

(1) Voir par exemple A. Fabre, « Contrat de travail à durée indéterminée : rupture – licenciement », Répertoire de droit du travail, Dalloz, n °529.

(2) Arrêt du 29 janvier 2020.

(3) CJCE, 2 août 1993, Marshall, C-271/91.

(4) CJUE, 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C-407/14.

(5) Le professeur Julien Icard n’a pas manqué d’ailleurs sur les réseaux sociaux [LinkedIn], de moquer cette soudaine référence de la chambre sociale à une « réparation adéquate » qui doit réparer « intégralement » les préjudices subis par le salarié quand l’un des arguments en faveur de cette conformité consistait précisément à dire que la réparation « adéquate » n’est pas la réparation « intégrale »… Fort heureusement, la discussion a été évitée, l’article 21 de la Charte ayant été considéré comme dépourvu d’effet direct.

(6) CJUE M.H Marshall c/ Southampton and South west Hampshire area health authority, 26 février 1986, aff. 152/84.

(7) CJUE 10 avril 1984, 14/83

(8) CJUE M. H. Marshall, précité, point. 24.

(9) Ibid.

(10) CJUE, 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C-407/14, précité, points 38 et 45.

(11) Arrêt du 29 janvier 2020.

(12) Sur l’importance du principe d’égalité des sexes en droit de l’Union européenne : Pierre Rodière, Droit social de l’Union européenne, L.G.D.J, 3e édition, p. 381 et suiv.

(13) Article 17 de la directive 2000/78 et article 15 de la directive 2000/43.

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François Pinatel, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, analyse un arrêt rendu le 6 novembre par la Cour de cassation. En s’appuyant sur le droit européen pour rappeler que la femme enceinte dont le contrat est rompu a droit, lorsqu’elle ne demande pas sa réintégration, aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, ouvre la porte à une application extensive de cette règle.
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A la une (brève)

Parmi les dossiers prioritaires des DRH que l’ANDRH a présenté hier (lire notre article dans l’édition du jour), l’inclusion des personnes en situation de handicap arrive en bonne place. 42 % des DRH sondés ont mis en place des actions pour l’inclusion de ces publics. Et 29 % indiquent que c’est un « sujet en réflexion ».

Autre chantier : la prise en compte de la parentalité. 40 % ont déployé des actions en faveur des pères ou mères solo, qu’il s’agisse d’accorder des horaires plus flexibles, des jours de télétravail supplémentaires ou encore de congés supplémentaires.

Par ailleurs, 26 % des DRH considèrent que l’accès au logement est un frein au recrutement. Dans ce contexte, près d’un professionnel RH sur 10 a d’ores et déjà mis en place des dispositifs d’aide au logement. Au point où, selon Audrey Richard, cette difficulté est prise en compte dans les NAO, via, par exemple, une prise en charge des loyers pour certaines catégories de salariés.  

Enfin, 15 % ont planché sur les conditions de travail de leurs prestataires. Avec, à la clef, la possibilité pour ces derniers de bénéficier des mêmes conditions de travail que les salariés en interne (horaires flexibles, télétravail) ou de permettre aux agents d’entretien de faire le ménage dans les locaux de l’entreprise en journée, pour éviter les horaires décalés et améliorer les conditions de travail.

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