Pas de « Grand soir » mais des « mesures concrètes facilement applicables » : un rapport remis au gouvernement, lundi 18 novembre, formule 41 recommandations pour endiguer le « fléau des violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir ». Rédigé par six personnalités qualifiées (*), il vise à s’attaquer au « chiffre noir » des VSS « non encore signalées » à la fois dans l’entreprise mais aussi dans le sport, la santé, les institutions politiques, la fonction publique ou la culture, selon la lettre de mission signée par six ministres (travail, culture, justice, fonction publique, sports et égalité entre les femmes et les hommes.
70 auditions ont été menées auprès de 140 personnes relevant du gouvernement, de l’administration, d’associations, de la justice, des entreprises, de la société civile et des médias pour mener à bien ces travaux.
Face à de telles situations, les DRH ne sont pas pour autant démunis. L’arsenal législatif existe. La loi du 3 août 2018, dite loi « Schiappa » instaure, outre une amende, l’obligation pour l’auteur d’un outrage de suivre, à ses frais, « un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes ». La loi Avenir professionnel de 5 septembre 2018 a, elle, créé l’obligation pour les entreprises (d’au moins 250 salariés) et les représentants du personnel (pour les CSE des entreprises de 11 à 250 employés) de désigner des référents en matière de harcèlement sexuel et comportements sexistes. Plus récemment, la loi Santé au travail du 2 août 2021 complète la définition du harcèlement sexuel en précisant que les comportements à connotation sexiste, introduits par la loi Rebsamen du 17 août 2015, peuvent également caractériser une infraction de harcèlement sexuel.
Il n’empêche. « Sept ans après #MeToo, force est de constater la persistance des faits de violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir malgré les efforts déjà mis en œuvre pour les prévenir », alertent les auteures du rapport. Plus de 1,4 million de femmes a déclaré avoir subi des violences sexistes et sexuelles hors cadre familial en 2021. Parmi elles, seules 2 % des victimes ont porté plainte auprès des forces de l’ordre.
« Il faut désormais s’attaquer à toutes les VSS qui, facilitées par des rapports d’autorité ou de pouvoir encore trop déséquilibrés entre les femmes et les hommes, apparaissent dans tous les milieux (cinéma, hôpital, politique, sport, travail…) », conclut le rapport, indiquant que « le sexisme, l’emprise se nichent de façon insidieuse dans certaines relations de pouvoir ».
15 recommandations concernent plus particulièrement le monde du travail pour faire de l’entreprise une « véritable safe place », selon Christine Caldeira, la secrétaire générale de l’ANDRH. Parmi les préconisations, le rapport propose ainsi de faire de la prévention des violences sexistes et sexuelles un sujet obligatoire de négociation à tous les niveaux sous peine de sanction pour les employeurs. Les auteures avancent également la piste de la création d’un label « Agir contre les violences sexistes et sexuelles » au sein de toute organisation qui « met en œuvre des outils de formation et de prévention adaptés ».
Le rapport suggère aussi d’évaluer la loi Rixain du 24 décembre 2021 relative aux grandes entreprises pour atteindre l’objectif d’égalité fixé dans les instances dirigeantes et exécutives et dans les instances disciplinaires.
Pour mieux repérer ces violences, la mission veut « généraliser les structures d’écoute et de signalement« . Et pour sanctionner les entreprises, elle propose d’ »inciter et mieux accompagner les organisations dans la réalisation d’enquêtes internes » et permettre aux victimes de violences sexistes et sexuelles hors cadre conjugal de solliciter une ordonnance de protection.
Enfin, les auteurs souhaitent lancer un Grenelle des violences sexistes et sexuelles pour prendre le relais du Grenelle des violences conjugales, de « sensibiliser le plus grand nombre et déployer les mesures recommandées, appuyées par une commission de suivi des recommandations ». Une démarche qui pourrait être menée par le gouvernement.
(*) Christine Abrossimov, administratrice de l’Etat, Christine Caldeira, secrétaire générale de l’ANDRH, Angélique Cauchy, ex-joueuse de tennis, présidente de l’association « Rebond », Bariza Khiari, ancienne sénatrice de Paris et vice-présidente du Sénat; Marie-France Olieric, chef de pôle des maternités du CHR de Metz-Thionville et présidente de l’association « Donner des ELLES à la santé », Rachel-Flore Pardo, avocate au Barreau de Paris, activiste féministe.
Les organisations syndicales réclament des « actes concrets » |
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Les organisations syndicales se sont, elles aussi, emparées du sujet. « De trop nombreux employeurs, qu’ils soient publics ou privés ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention, de protection des victimes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail alors même que la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses est une obligation de l’employeur », insistent les cinq centrales, CFDT, CFTC, FO, CGT et CFE-CGC, dans un communiqué commun publié le 18 novembre. Elles demandent des « actes concrets » pour inverser la tendance. Parmi leurs revendications, la réalisation d’un bilan des mesures de 2018, la construction d‘un baromètre annuel pour évaluer le ressenti des salariés sur les violences sexistes et sexuelles au travail, la mise en place de sanctions pour toutes les entreprises qui n’ont pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles et de dispositif de signalement négocié ou encore des moyens supplémentaires « pour que les référents harcèlement/violence puissent jouer leur rôle syndical : prérogatives clairement définies, temps de délégation, formations ». Selon le communiqué, « 9 % des viols ou tentatives de viols ont lieu au travail, 30 % des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail et 70 % de ces victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur ». |