Outre des licenciements pour motif économique, l’employeur peut mettre en œuvre, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), un plan de départs volontaires prévoyant la rupture d’un commun accord du contrat de travail des salariés éligibles. Lorsque des représentants du personnel sont concernés par ce type de rupture, l’employeur doit solliciter auprès de l’inspection du travail les autorisations de rompre les contrats de travail.
En l’espèce, une entreprise a décidé de fermer l’un de ses sites dans le cadre d’un projet de restructuration entraînant la suppression de 543 postes. À cet effet, l’employeur a mis en œuvre un PSE incluant un plan de départs volontaires et des licenciements pour motif économique. Le PSE « mixte » a été homologué par l’administration et les autorisations de rupture à l’amiable des contrats de travail des représentants du personnel ont été délivrées par l’inspection du travail, à chaque fois sans contestation devant le juge administratif.
Les salariés protégés ont en revanche introduit devant le conseil de prud’hommes de Grasse des actions en contestation du motif économique de la rupture amiable de leur contrat de travail et en violation de l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur. Mais le juge judiciaire s’est déclaré incompétent au profit du tribunal administratif de Nice, au motif que les demandes des salariés portaient sur le contenu du PSE relevant de la compétence du juge administratif.
De son côté, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné tort au juge de première instance et l’a déclaré compétent pour statuer sur les demandes des salariés, qui critiquaient le motif économique invoqué sous couvert d’une réorganisation de la société.
Selon le juge d’appel, il incombait en effet au juge judiciaire de s’assurer que la réorganisation décidée par l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
Arrivée jusqu’à la Cour de cassation, l’affaire donne l’occasion à sa chambre sociale de préciser le rôle du juge judiciaire en cas de rupture amiable du contrat de travail d’un salarié protégé intervenue dans le cadre d’un PSE « mixte ».
Dans cette décision du 26 juin 2024, elle ne suit pas le raisonnement de la cour d’appel. Elle décide ainsi que le juge judiciaire ne peut pas, sans violer le principe de séparation des pouvoirs (en l’état d’une décision administrative autorisant la rupture amiable dans le cadre de la mise en œuvre d’un PSE assorti d’un plan de départs volontaires devenue définitive) apprécier le caractère réel et sérieux du motif de la rupture au regard de la cause économique ou du respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
► Autrement dit, la Cour de cassation précise que le juge judiciaire ne peut pas statuer sur la contestation par un salarié protégé de la validité du motif économique sur lequel repose la rupture amiable de son contrat de travail, qui a été préalablement autorisée par l’administration. Ce faisant, elle met un point final à une procédure qui a longtemps navigué entre les juridictions administratives et judiciaires.
Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence de la Cour de cassation rendue à propos des salariés ordinaires. En effet, elle a déjà jugé que dès lors que la résiliation du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un accord collectif soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut pas être contestée, sauf fraude ou vice du consentement (arrêt du 8 février 2012). Il en va de même lorsque la rupture amiable s’inscrit dans un plan de départs volontaires prévu par un PSE établi par l’employeur (arrêt du 12 février 2014 ; arrêt du 9 avril 2015).
La solution de la chambre sociale est d’autre part cohérente avec celle rendue, récemment et toujours dans la même affaire, par le Conseil d’Etat qui, dans des décisions du 3 avril 2024, a précisé que l’inspecteur du travail n’a pas à contrôler la cause économique de la rupture amiable du contrat de travail d’un salarié protégé intervenue dans le cadre PSE « mixte » lors de l’examen des demandes d’autorisation de travail qui lui sont soumises à cette occasion.
► Dans la présente affaire, cette position de la Haute Juridiction est confirmée pour les salariés non protégés dont le contrat de travail a été rompu en application du PSE « mixte (arrêts du 26 juin 2024 n° 23-15.498, 23-15.558 et 23-15.567). Et elle se fonde notamment sur les articles 1101 et 1103 du code civil selon lesquels le contrat, qui est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations, tient lieu de loi entre les parties