Dans cette affaire, un supérieur hiérarchique remet le programme politique de son parti à une de ses subordonnées à l’issue d’une remise de trophée de l’entreprise.
Pour l’employeur, le fait de remettre un programme politique à l’issue de la remise de trophée à laquelle le supérieur hiérarchique et sa subordonnée ont participé n’est pas sans incidence. Il considère que ce prosélytisme politique « dans un cadre non dépourvu de tout lien avec la vie de l’entreprise » est fautif. Il licencie le salarié pour faute grave.
Après avoir constaté que le programme politique a été remis à la salariée en dehors du temps et du lieu de travail, la cour d’appel saisie du litige en déduit que les faits reprochés au salarié relèvent de sa vie privée. La Cour de cassation s’en tient à l’analyse des juges du fond et confirme.
► Pour rappel, le salarié est libre de ses opinions politiques et peut les exprimer, y compris au travail (article L.1121-1 du code du travail). L’employeur ne peut pas le sanctionner pour ce motif (article L.1132-1 du code du travail). En revanche, l’engagement politique du salarié ne doit pas causer de troubles dans l’entreprise ni le conduire à commettre une faute professionnelle. Par exemple, un salarié peut être sanctionné pour abus de faiblesse lorsqu’il a collecté le chèque d’un pensionnaire d’un établissement pour personnes âgées au sein duquel il travaillait pour le financement d’une campagne électorale aux élections municipales (cour d’appel de Toulouse, 4 mars 2011 n° 09-6144). Il en va de même, pour le salarié, vendeur, qui a abandonné son poste dans une boutique pour distribuer des tracts politiques (cour d’appel de Paris, 5- décembre 2013 n° 12-00973).
La Cour de cassation rappelle qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (Assemblée plénière, 22 décembre 2023 ; arrêt du 6 mars 2024 ; arrêt du 29 mai 2024).
S’appuyant sur les constats de la cour d’appel, la Cour de cassation relève que le salarié étant libre d’exercer ses convictions religieuses, philosophiques, ou politiques, ces faits tirés de sa vie privée ne peuvent pas constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail. Le licenciement pour faute grave du salarié est donc jugé sans cause réelle et sérieuse.
► L’employeur avait, semble-t-il, estimé que le fait que le tract ait été remis à l’issue d’un événement professionnel permettait de rattacher ce fait tiré de la vie personnelle du salarié à sa vie professionnelle, ce qui aurait pu justifier son licenciement disciplinaire (en ce sens, arrêt du 25 septembre 2019 ; arrêt du 15 mai 2024). Mais les juges du fond ont considéré ici que la remise du programme politique, après un évènement professionnel, en dehors du lieu de travail, et à l’occasion d’un café ne s’inscrit pas dans un cadre strictement professionnel. Le fait de distribuer un tract après la remise de trophée ne permet pas de rattacher ce fait tiré de la vie privée à la vie de l’entreprise.